Santé mère et enfant
Restitution du programme de recherche AFRIBIOTA : La malnutrition infantile
La restitution du projet AFRIBIOTA s’est tenue les 6 et 7 mars à l’Institut Pasteur de Madagascar. Un ambitieux programme de recherche multidisciplinaire destiné à mieux comprendre la malnutrition infantile. Des scientifiques nationaux et internationaux, des cliniciens ainsi que des représentants des organismes de santé publique ou œuvrant dans le domaine de la nutrition ont répondu présents à cette restitution.
Un enfant sur 4 âgé de moins de 5 ans dans le monde souffre de malnutrition chronique. Celle-ci est en cause dans près de la moitié de la mortalité infantile, soit près de 3 millions d’enfants de moins de 5 ans chaque année. La malnutrition est également responsable d’importantes anomalies du développement physique et mental. Les enfants qui en sont victimes ont des performances cognitives amoindries et de graves difficultés d’apprentissage. Elle alimente ainsi le cercle vicieux de la pauvreté en pesant lourdement sur les possibilités de développement socio-économiques des générations futures.
Dirigé par le Pr Philippe Sansonetti et le Dr Pascale Vonaesch de l’Institut Pasteur à Paris, ce projet de recherche propose pour la première fois d’aborder le syndrome inflammatoire de l’intestin, connu sous le nom d’entéropathie environnementale pédiatrique (EEP) dans toute sa complexité en associant études épidémiologiques, anthropologiques, biologiques, développement moteur et nutrition. Le manque de nourriture ou les mauvaises pratiques alimentaires ne sont pourtant pas les seules causes de malnutrition. Les conditions sanitaires et d’hygiène dégradées dans les pays à ressources limitées exposent les enfants de façon continue à des agents infectieux. Ceux-ci affaiblissent de façon permanente leur système immunitaire et provoquent le syndrome puis une malabsorption des nutriments. On estime que plus de 75% des enfants dans les pays en développement en souffrent à des degrés divers. Ce syndrome qui perturbe le fonctionnement de l’intestin est aujourd’hui reconnu comme une des causes majeures de la malnutrition et est également associé à une mauvaise efficacité des vaccins chez les enfants qui en souffrent. En dépit de son impact massif sur la santé infantile, les données scientifiques sur l’EEP sont fragmentées et contradictoires.
Mené en partenariat avec les Instituts Pasteur de Madagascar et de Bangui, situés dans deux pays où la proportion d’enfant malnutris est particulièrement élevée, le projet AFRIBIOTA a pour ambition d’identifier des marqueurs de l’EEP, et de mieux comprendre les mécanismes biologiques qui en sont à l’origine. Ces résultats serviront de base pour développer des stratégies de prévention et de traitement afin d’améliorer le statut nutritionnel, le développement et l’immunité des enfants malnutris.
A ce jour, le protocole de l’étude a été publié et les interviews des mères, les recrutements, et les prélèvements des enfants ont été finalisés. L’analyse des données est actuellement en cours. La collecte de données de 490 enfants en communauté à Antananarivo (quartiers Ankasina et Andranomanalina Isotry) a pu être réalisée de novembre 2017 à mars 2018 (16 mois) grâce à l’appui des agents communautaires nutritionnels (sous tutelle de l’Office régional de nutrition d’Analamanga et de l’Office National de Nutrition) et des personnels de santé dans les 3 centres de recrutement et de prélèvements dont le Centre de Santé Maternelle et Infantile de Tsaralalana (CSMI), le Service de Chirurgie Pédiatrique du CHU Joseph Ravoahangy Andrianavalona et le CHU Mère-Enfant de Tsaralalana. Les analyses de selles et le liquide duodénal d’enfants vivant à Antananarivo (Madagascar) et à Bangui (République Centrafrique), avec et sans problème de malnutrition chronique, ont montré des anomalies du microbiote intestinal marqué par la croissance massive de bactéries de la flore oropharyngée dans l’estomac et le duodénum des enfants malnutris ainsi qu’un appauvrissement en clostridiales fermentatives dans les selles.
L’origine et les conséquences de ces signatures microbiennes sont marquées par une « décompartimentalisation » des microbes de la sphère oropharyngée dans l’intestin grêle et la perte de bactéries productrices de métabolites nutritifs pour la santé intestinale.
Ces données sont la base de la suite d’Afribiota qui visera à développer des études interventionnelles centrées sur l’hygiène oropharyngée et le rééquilibrage du microbiote fécal.