Contexte et justification
Une recrudescence épidémique du paludisme a été identifiée dans plusieurs régions du Sud et du Sud-Est de Madagascar au début de l’année 2012 malgré des intenses actions de lutte contre le paludisme menées depuis quelques années. Une des hypothèses avancées était le retard de la détection de l’ épidémie qui avait souvent commencé dans des zones enclavées et inaccessibles. Ainsi, l’implication des Agents Communautaires (AC), dans la surveillance épidémiologique des fièvres et du paludisme dans des zones rurales isolées, s’avère donc nécessaire pour détecter précocement une épidémie.
Objectifs
1. Objectif principal
Evaluer l’efficacité du système de surveillance des fièvres et du paludisme par les AC à détecter précocement une épidémie.
2. Objectifs secondaires
- Déterminer les éléments du système de surveillance par les AC qui nécessitent une amélioration
- Déterminer les seuils d’alerte sur le paludisme en milieu communautaire
- Connaitre la tendance du paludisme dans une zone rurale isolée
Méthodes
Après deux ans de mise en place du système de surveillance des fièvres et du paludisme dans des zones rurales isolées, la question qui se pose est : « Le paludisme en zone rurale est-il précurseur des alertes épidémiques en zone urbaine à Farafangana, Moramanga et Ankazobe, Madagascar ? » L’évaluation consistait d’abord à effectuer une comparaison des alertes identifiées par le système AC par rapport aux autres systèmes de surveillance utilisés par le Ministère de la Santé Publique : la surveillance intégrée des maladies et riposte (SIMR) et le réseau de surveillance sentinelle des fièvres (SSF). Une alerte était définie de la façon suivante : (i) un doublement du nombre de cas de paludisme déclarés sur 3 semaines consécutives (ii) un nombre de cas de fièvres ou de paludisme au-dessus du seuil (iii) deux cas de décès déclarés par un AC dans un SMS. Une étude rétrospective et comparative de trois méthodes de détection d’une alerte pour le paludisme a ensuité été effectuée. La première méthode était la somme cumulative, la deuxième était le seuil des 90èmes percentiles et la troisième était le doublement de cas de paludisme sur deux semaines consécutives. La fonction d’autocorrélation croisée a été utilisée pour étudier la corrélation des alertes observées pour un délai maximal de quatre semaines. Des modèles distributed-lag (DL) de régression multinomiale ont été construits pour détecter la relation entre les alertes rurales et urbaines par district.
Résultats et discussion
Soixante-treize AC ont participé à la surveillance des fièvres et du paludisme dont 23 à Farafangana de la côte Est, 25 à Moramanga sur la marge Est et 25 à Ankazobe sur le versant Ouest des Hautes Terres Centrales. Les analyses de données concernaient la période d’octobre 2013 à septembre 2016. La moyenne du taux de promptitude de la réception des SMS était de 64,1% (IC95% : 60,7% – 67,6%) et celui de la complétude de données était de 89,8% (IC95% : 87,3% – 92,2%). Sur 47.929 consultants, 90,2% ont eu de la fièvre et 26,6% ont été référés au centre de santé. Parmi les 43.150 cas suspects de paludisme, 57,9% avaient un TDR positif. Parmi les 625 décès déclarés par les AC, 10,4% ont été liés au paludisme. Par le système de surveillance AC, 22 alertes enregistrées (7 sur le paludisme, 1 pour la peste, 1 pour un traumatisme et 13 pour des décès communautaires) alors que par SIMR et SSF, aucune de ces alertes n’a été répertoriée. Parmi les 22 alertes, 90,9% (20/22) étaient contrôlées au niveau du district sanitaire. Des analyses statistiques plus approfondies seront nécessaires pour mesurer les effets de dépassement de seuil quand un délai significatif de corrélation est observé.
Impact
Il a été démontré que ce système est complémentaire aux autres systèmes de surveillance utilisés par le Ministère de la Santé Publique. De plus, les AC assurent la prise en charge précoce du paludisme réduisant ainsi la charge de morbidité et de mortalité liée au paludisme. Au final, cette évaluation nous incite à maintenir la surveillance du paludisme par les AC en milieu rural afin de contrôler rapidement l’épidémie dès son début.