Institut Pasteur de Madagascar

Diagnostic de la Cysticercose à Madagascar : Développement et validation de tests de diagnostic moléculaires (LAMP-Cysti) et sérologiques (Sero-Cysti) pour la cysticercose Humaine et porcine

Contexte et justification

L’homme est le seul hôte définitif connu du ver solitaire (Taenia solium) responsable de la téniasis humaine. La cysticercose chez l’homme est due à l’ingestion des œufs de T. solium contenus dans les excréments humains contaminant les mains et les aliments. A Madagascar, plus de 15% de la population est touchée par cette maladie. La neurocysticercose (NCC) est la plus fréquente des parasitoses du système nerveux central et constitue la forme la plus grave de cette pathologie. Elle est également la première cause des crises épileptiques dans les pays tropicaux. La cysticercose porcine à un impact sanitaire et économique majeur. Les données récentes obtenues à Madagascar estiment à 21% la prévalence de la cysticercose porcine.

Beaucoup d’efforts ont été déployés à l’Institut Pasteur de Madagascar (IPM) ces quinze dernières années pour développer et valider des outils de diagnostic pour la cysticercose et la NCC. L’ELISA et le Western Blot (ou EITB) constituent les principales techniques de diagnostic sérologique. En accord avec l’équipe de Tsang et al., des “Centers for Disease Control and Prevention”, CDC – Atlanta, l’EITB utilisant des glycoprotéines totales purifiées sur résine de Concanavaline A est la technique sérologique de référence utilisée à l’IPM. En effet, des études ont montré que, les réactivités immunes détectées par EITB contre les glycoprotéines de cysticerques de T. solium ayant une masse moléculaire de 13-14 kilodaltons (kDa), sont associées à une cysticercose active. En ce qui concerne la NCC, son diagnostic repose principalement sur le scanner. Mais à Madagascar, le scanner n’est disponible que dans la capitale et reste d’un coût inaccessible au plus grand nombre. Ainsi le traitement de la NCC est habituellement proposé sans aucune confirmation de diagnostic.

Toutes les techniques actuellement disponibles pour le diagnostic de la cysticercose (ELISA, EITB, RT-PCR) nécessitent qu’elles soient réalisées en laboratoire car elles requièrent des équipements, des réactifs et des consommables spécifiques.

Objectifs

Dans ce contexte, l’objectif de ce projet de recherche est de développer des outils de diagnostic performants et utilisables directement au chevet des malades ou par les éleveurs afin d’améliorer le diagnostic de la cysticercose et de la NCC à Madagascar. Les objectifs plus spécifiques concernent :

Méthodes

Après une formation sur la technique LAMP au sein du laboratoire des maladies parasitaires (NIH – Bethesda) et un transfert de cette technique à l’IPM, une mise au point de la LAMP en ciblant le gène de la Cytochrome C oxidase cox1 est en cours de validation notamment pour les tests de spécificité en utilisant une banque de LCRs de patients présentant d’autres pathologies neurologiques. Cette technique permet une amplification spécifique du gène cox1 des cysticerques de T. solium sans extraction d’ADN du LCR des patients.

Cinq antigènes membranaires de cysticerques de T. solium qui jouent un rôle majeur dans le diagnostic de la cysticercose humaine et porcine (GP50, GP24, GP18, GP13/14 et GP8) ont été ciblés pour le développement de tests sérologiques et seront produits sous forme de protéines recombinantes solubles. Ces protéines permettraient d’analyser plus finement la présence d’anticorps anti-T. solium dans le sérum ou le LCR de sujets vivants en zone d’endémie. Elles seraient aussi utilisées pour la mise au point de tests de diagnostic pour la cysticercose porcine.

Ces tests seront validés à partir d’une biothèque de LCR et de sérums provenant du centre de biologie clinique de l’IPM, du service de neurologie de l’hôpital de Befelatanana et de l’hôpital d’Ambovombe. En collaboration avec la Direction des Services Vétérinaires (DSV) de Madagascar, L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES, Paris), l’Institute of Tropical Medicine in Antwerp (ITM-Belgique) et l’Université de Copenhagen, une sérothèque de porc atteints ou non de cysticercose sera constituée. Pour finir, ces nouveaux outils seront directement implémentés sur le terrain lors d’études pilotes.

Résultats et discussion

Pour le diagnostic moléculaire, le test “LAMP-Cysti” a été mis au point en utilisant de l’ADN extrait des cysticerques de T. solium et d’ADN d’autres espèces parasitaires proches telles que T. saginata, T. asiatica et Loa loa. Les tests d’optimisation ont permis de réduire la durée d’amplification et de  passer ainsi de 120 minutes à 90 minutes. De même, le seuil de détection de la LAMP-Cysti a été amélioré avec une détection de 2,5pg d’ADN de T. solium comparé à 0,2pg pour la RT-PCR. Les tests réalisés avec 5ng d’ADN d’autres espèces parasitaires n’ont donné aucune amplification. En utilisant directement les LCR de patients atteints de neurocysticercose (n= 47), préalablement chauffés sans extraction d’ADN, les tests de sensibilité ont montré que la LAMP-Cox1 a une sensibilité plus élevée (51%, 24/47) que l’EITB, la technique de référence  présentant une sensibilité de 38,3% (18/47). Toutefois, LAMP-Cysti est moins sensible que la RT-PCR qui a une sensibilité de 76,6% (36/47).

Des mises au point complémentaires sont en cours pour améliorer la sensibilité de la LAMP-Cysti. Des tests de spécificité seront également effectués en utilisant une banque de LCR de patients ayant d’autres pathologies neurologiques.

Pour le diagnostic sérologique, trois antigènes majeurs de la membrane de cysticerques (GP8V2, GP14 et GP18) ont été produits sous forme de protéines recombinantes solubles. La pureté et les quantités obtenues (environ 2-3 mg protéines par litre de culture bactérienne) ont permis de réaliser les premiers tests de validation (antigénicité, spécificité et sensibilité) en utilisant des biothèques porcine (sérums) et humaine (LCR et sérums). Les seuils de positivité de chaque protéine recombinante ont été calculés en utilisant des sérums humains sains (n= 46) ou des sérums porcins sains (n= 40) provenant des zones non-endémiques. Chaque protéine recombinante a été testée par ELISA en utilisant une banque sérique humaine (n= 51) de sujets présentant des crises épileptiques et/ou céphalées et une banque sérique porcine (n= 67 sérums présentant ou pas des cysticerques à l’abattage. Nos résultats  préliminaires montrent que les protéines GP14 et GP18 sont reconnues par des sérums de porc et d’humains atteints de cysticercose. Des mises au point seront poursuivies pour développer un (ou des) test(s) de diagnostic [Western-Blot et tests immuno-chromatographiques] en testant seule ou en multiplex les protéines recombinantes.

En plus du volet recherche, le financement de ce projet a également permis (1) de rédiger un chapitre dans l’ouvrage « Recherche interdisciplinaire pour le développement durable et la biodiversité des espaces ruraux malgaches (PARRUR, 2016) et (2) de produire des outils de support pédagogiques (dépliants, posters, podcasts).

Impact

Après validation, ces nouvelles méthodes de diagnostic devraient permettre d’améliorer le diagnostic et la prise en charge des patients atteints de cysticercose/neurocysticercose, et ce, en l’absence de scanner cérébral. Ces tests de diagnostic permettraient également de contrôler la cysticercose à Madagascar par une approche combinée humaine et vétérinaire pour interrompre le cycle de la maladie et seraient utiles pour évaluer l’efficacité des mesures de luttes anti-téniasis déployées au niveau des zones d’endémies.

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