Contexte et justification
Comme le souligne l’Objectif 4 du Développement du Millénaire (MDG4), la santé infantile entre 0 et 5 ans constitue un axe d’action prioritaire dans les Pays à Faibles Revenus (PFR). Le premier mois de vie est la période où la diminution de mortalité observée reste actuellement la plus faible. Cette période néonatale concentre à elle seule un tiers des décès survenant avant l’âge d’un an, soit 4 millions de décès annuels dont un tiers à une moitié survenant à la suite d’infections.
En l’absence de réseau de surveillance, seules des études, principalement transversales, permettront de dresser un état des lieux de la résistance aux antibiotiques des bactéries liées aux infections des jeunes enfants dans les PFR. La résistance aux antibiotiques des pathogènes à l’origine des infections néonatales semble avoir atteint un niveau inquiétant, à la fois à l’hôpital mais aussi en communauté. Cependant, la grande hétérogénéité, notamment dans la méthodologie, le choix des populations et les techniques de laboratoire utilisées, rend difficile les comparaisons entre les résultats issus des travaux existants. Les données disponibles sur les infections à bactéries multi-résistantes (BMR) des jeunes enfants restent encore très limitées en PFR. Elles permettent cependant de suggérer, d’une part, l’existence d’une mortalité importante liée aux infections bactériennes, et d’autre part, des taux de résistance élevés chez les pathogènes en cause, en contexte hospitalier comme communautaire [Projet BIRDY https://www.youtube.com/watch?v=pas02c2HLOA].
Objectifs
L’objectif principal de ce projet est d’évaluer l’incidence ainsi que les conséquences médicales et économiques des infections graves néonatales et infantiles causées par des bactéries résistantes aux antibiotiques. L’enquête concerne à la fois les infections associées aux soins de santé et celles acquises en collectivité [http://www.charliproject.org].
Méthodes
-
1. Population de l’étude et recrutement
Cohorte de nouveaux nés et d’enfants jusqu’à l’âge de 18 mois. Le recrutement se fait à 2 moments : au moment de l’accouchement ou en amont de l’accouchement lors d’une phase appelée pré-inclusion. L’exhaustivité du recrutement des naissances vivantes dans la population/zone géographique rural/urbain, est recherchée. Les sites d’étude sont constitués de trois quartiers du 3ème arrondissement de la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA) : Avaradoha, Besarety, Soavinandriana et de 6 quartiers de la Commune Urbaine de Moramanga : Ambohimadera, Ambohitranjavidy, Moramanga ville, Tanambao, Tsarahonenana, Tsaralalàna.
Le suivi des enfants est réalisé sur les 18 premiers mois de vie. En cas de fièvre authentifiée (≥ 38°C), l’enfant est examiné par un médecin, soit dans un centre de santé, soit à l’hôpital de niveau 1 ou de proximité. Les prélèvements biologiques sont acheminés au Centre de Biologie Clinique (CBC) de l’Institut Pasteur de Madagascar (IPM) où ils sont analysés.
-
2. Prise en charge thérapeutique de l’enfant
Elle est tout d’abord empirique selon les « standard operating procédures » de l’OMS, puis guidée par les résultats d’analyses microbiologiques qui sont transmises au médecin. Dans le cas d’une entérobactérie résistante aux céphalosporines, le traitement par l’imipenème est fourni si nécessaire.
Au CBC et dans l’Unité de bactériologie expérimentale à l’IPM, chaque souche isolée est congelée et conservée dans un congélateur à -80°C, de même que certains prélèvements.
Résultats et discussion
L’étude pilote s’est déroulée du 17 septembre 2012 au 31 octobre 2014. La phase complète du programme BIRDY a commencé le 01 novembre 2014 et est prévue se terminer en juillet 2017. La durée de suivi des enfants inclus dans le programme complet est de 18 mois. Au 31/12/2016 (52 mois après le démarrage du projet BIRDY), le bilan de l’activité était le suivant :
|
Antananarivo |
Moramanga |
Total |
Enfants |
821 |
1180 |
2001 |
Consultations |
3684 |
4775 |
8459 |
Hospitalisations |
193 |
127 |
320 |
La dernière pré-inclusion des femmes s’était déroulée le 30 septembre 2015. A partir du 1er octobre 2015, le projet BIRDY ne faisait plus de nouvelles inclusions de bébés (sauf inclusion des bébés nés des mères pré-incluses jusqu’au 30 septembre 2015).
Les premiers résultats validés de la cohorte prospective de l’étude pilote (981 nouveau-nés entre septembre 2012 et octobre 2014) ont montré que l’incidence des infections néonatales acquises dans la communauté était de 35,8 cas (pour les cas définis et probables) pour 1000 naissances vivantes [95% CI, 25,4-50,8]. La majorité des infections étaient survenues au cours de la première semaine de vie (27/32, 85%) et les pathogènes les plus fréquemment isolés étaient des bactéries à gram négatif (28/35, 80%). Le taux d’incidence de l’infection néonatale multirésistante était de 5,5 cas pour 1000 naissances vivantes [IC 95%, 2,2-13,2]. Près de deux tiers des pathogènes isolés (21/35) étaient résistants aux recommandations actuelles de traitement de l’Organisation Mondiale de la Santé pour le sepsis néonatal (combinaison d’ampicilline et de gentamicine). En ce qui concerne les entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE) et les espèces staphylococciques résistantes à la méthicilline, le taux d’incidence de l’infection néonatale résistante, définie et sévère était de 5,5 cas pour 1000 naissances vivantes [IC 95%, 2,2-13,2]. Dans l’ensemble, le taux de létalité des enfants était de 13% (9/69), avec 5 et 4 décès, probablement causés par des infections graves définies, probables et possibles, respectivement. Les pathogènes potentiels responsables des cas probables d’infections étaient des E. coli chez 3 nouveau-nés et Streptococcus agalactiae (streptocoques du groupe B : GBS) chez 2 jumeaux. Tous les décès néonatals étaient survenus au cours de la première semaine de vie. Une étude antérieure portant sur la colonisation rectale d’entérobactéries productrices de BLSE chez 356 femmes enceintes à l’accouchement à Antananarivo et Moramanga avait montré une prévalence de 18,5% [IC 95%, 14,5-22,6]. Les 66 isolats producteurs de BLSE comprenaient comme espèces E. coli (n = 66), Klebsiella spp. (N = 11), Enterobacter cloacae (n = 5), Citrobacter freundii (n = 3) et Morganella morganii (n = 1). Quarante-cinq isolats portaient un gène blaCTX-M, 15 portaient des gènes blaSHV et blaCTX-M et 2 portaient un gène blaSHV. Tous les gènes séquencés codaient pour des BLSE de type SHV-12, CTX-M15 et ou une pénicillinase TEM-1 (non ESBL). Une souche de K. pneumoniae qui avait été isolée chez une femme enceinte était une souche productrice de métallo-β-lactamase de type New Delhi (NDM-1) [AAC, 2015; 59: 3652-55].
D’autre part, depuis novembre 2013, le programme BIRDY avait engagé un partenariat avec la mutuelle de santé AFAFI (« Aro ho an’ny FAhasalaman’ny FIanakaviana ») afin qu’elle puisse proposer une couverture santé à une population recrutée dans l’étude pilote (environ 850 familles). Le partenariat avait pour objet l’extension de la couverture des soins de santé aux mamans BIRDY, ainsi qu’aux membres de famille des bébés BIRDY. Une analyse coûts/bénéfices est en cours de réalisation.
Le bailleur de fonds (DCI de Monaco) a délégué une Volontaire Internationale (VIM) sur le projet en soutien aux équipes de terrain, avec pour mission de faire de la sensibilisation en communauté et au niveau des collaborateurs de santé par rapport aux points critiques identifiés dans nos analyses et résultats en vue d’améliorer la prise en charge des nouveau-nés et d’éviter les infections qui les menacent.
Par ailleurs, différents projets satellites greffés sur le programme BIRDY ont démarré en octobre 2015, à savoir :
- Role of intestinal carriage in the global emergence of multidrug resistant and hypervirulent clones of Klebsiella pneumoniae: a population biology approach (fiche BEx-Kpn).
- Acquisition of antibiotic resistant bacteria and development of the gut microbiome in neonates in low-income countries (fiche EPI-PTR 558 – Microbiome).
- Non-prescribed Antibiotics for Children in Madagascar-Sources, Distribution Patterns, and Chemical Analysis. Ce dernier a donné lieu à une publication.Impact
Impact
Les données épidémiologiques et microbiologiques recueillies jusqu’à la fin du projet permettront de décrire au niveau local les taux d’incidence des différentes étiologies bactériennes à l’origine d’infections sévères chez le nouveau-né et le jeune enfant, ainsi que les profils de résistance et les facteurs de risques associés. Ce travail permettra aussi de guider le choix des traitements empiriques et à terme pour aider à l’amélioration globale des soins que nécessite ces infections par l’élaboration de lignes directrice mieux adaptés aux spécificités locales. Par ailleurs, la mise en place de cette cohorte de jeunes enfants pourrait aussi servir de support pour la construction d’une véritable plate-forme de recherche appliquée permettant l’évaluation de vaccins, ou d’outils de diagnostiques rapides.