Contexte et justification
Au cours des dix dernières années, l’accroissement des moyens alloués à la lutte contre le paludisme a entrainé une diminution notable de la mortalité et de la morbidité palustre dans de nombreux pays (World Malaria Report, 2011-2016). Toutefois, après plusieurs années successives de baisse, on assiste depuis 2010 à une recrudescence du paludisme dans plusieurs pays (World Malaria Report, 2010-2016), indiquant que les mesures de lutte actuelles ont atteint leurs limites. A Madagascar, les trois dernières années ont été marquées par une recrudescence des cas de paludisme à Plasmodium falciparum et à P. vivax touchant toutes les classes d’âges.
Ces épidémies soulignent une fois de plus la fragilité des acquis de la lutte antipaludique qui y avait été menée intensivement depuis 2010. Comment les mesures de luttes et les changements épidémiologiques qui en découlent influent sur la morbidité/mortalité palustre, sur le portage parasitaire et la transmission ? Quelle est l’efficacité réelle des différentes mesures de lutte (distributions de moustiquaires imprégnées, pulvérisations intra-domiciliaires d’insecticides à effet rémanent, utilisation de tests de diagnostic rapide et de combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine ? Quels sont les facteurs interférant avec l’efficacité des interventions ? Ce sont autant de questions qu’il faut explorer afin de guider efficacement la mise en œuvre des stratégies nationales de lutte contre le paludisme.
Objectifs
Les différents projets de recherche associés à ce programme ont pour objectifs de développer les outils/techniques nécessaires et d’apporter les connaissances permettant de i) comprendre comment la baisse de la transmission influence les réponses immunes des populations exposées et le risque de contracter des formes graves du paludisme [projet ACIP-Multiplex] ii) d’assurer un meilleur suivi de l’impact des programmes de lutte antipaludique en termes de nombre de cas (infections, maladies et décès) évités dans les différents contextes épidémiologiques [projet MEDALI, PALEVALUT et SBS] et iii) de guider la formulation de nouvelles stratégies d’intervention. Ce programme de recherche multicentrique est mené en étroite collaboration avec les unités Paludisme, Epidémiologie et Immunologie de l’IPM, mais aussi avec les partenaires locaux (Ministère de la Santé Publique et PNLP) et internationaux (IRD, Institut Pasteur à Paris, Réseau International des instituts Pasteur, Centers for Disease Control and Prevention”, CDC – Atlanta).
Méthodes
Il s’agit de mettre en place à l’IPM et dans les différents instituts de recherche associés à ce projet un essai standardisé permettant d’analyser, de façon qualitative et quantitative, les réponses humorales contre un panel d’antigènes parasitaires en utilisant la dernière génération de système de multiplexage le MAGPIX (Luminex Corp.). Pour ce faire, un panel “à façon” comprenant des antigènes pré-erythrocytaires et érythrocytaires de P. falciparum (candidats vaccins inclus dans des essais vaccinaux en cours tels que la CSP, MSP1, AMA1 et LSA3), des antigènes impliqués dans la cytoadhérence parasitaire (adhésines PfEMP1) et des antigènes salivaires d’Anopheles a été mis en place. Selon les sites d’étude, des antigènes de P. vivax, P. malariae et P. ovale seront inclus. Les antigènes testés sont produits sous forme de protéines recombinantes solubles ou de peptides synthétiques. Après une première phase de mise au point des conditions de dosage des anticorps spécifiques et la constitution des standards pour l’étalonnage des dosages, un multiplex multi-antigène et multi-stade parasitaire a été mis au point. Ce multiplex sera validé par des études pilotes réalisées dans chacun des Instituts participants pour explorer les profils immunologiques avant et après la mise en place des mesures de lutte antipaludiques, étude englobant les phases de baisse et de recrudescence en accès palustres.
Résultats et discussion
Les travaux menés conjointement à l’Institut Pasteur à Paris, l’IPM, l’Institut Pasteur de Dakar et l’Institut Pasteur du Cambodge ont permis de développer et de mettre en place la technique multiplex-MagPix incluant un panel de 15 antigènes de P. falciparum, P. vivax et P. malariae et un antigène salivaire d’anophèles. A Madagascar, les profils immunologiques contre ce panel d’antigènes ont été analysés sur plus de 11000 échantillons collectés sur l’ensemble du territoire et représentatifs des différents faciès du paludisme à Madagascar (projet MEDALI), sur 4000 prélèvements provenant de deux zones d’endémicité différente (Ankazobe et Brickaville, projet PALEVALUT) et sur 12500 échantillons collectés dans 7 districts des Hautes Terres Centrale et de Marges dans le cadre du projet « School-based Malaria Survey ». De plus, les suivis longitudinaux sero-épidémiologiques menés dans le village de Saharevo et chez les enfants de la plaine d’Antananarivo (Projet ACIP) devraient permettre d’analyser l’impact des mesures de lutte anti-paludiques sur la transmission. Les articles résumant les données acquises au cours de chacun des projets sont en cours d’écriture.
Impact
Les outils/techniques disponibles devraient permettre de définir un jeu de bio-marqueurs antigéniques permettant de suivre l’évolution des réponses immunes anti-plasmodium afin d’assurer un meilleur suivi de l’impact des programmes de lutte anti-paludique.