Entomo-flea-pop Risque d’introduction de la peste de Madagascar à Mayotte: flux de gènes entre populations de la puce vectrice Xenopsylla cheopis

Contexte et justification

La peste persiste à Madagascar alors que ce pays effectue des échanges commerciaux avec ses îles voisines. Dans ce projet de recherche, l’Agence Régional de Santé de l’Océan Indien (ARS-OI) a sollicité l’IP Madagascar pour identifier s’il y a un risque d’introduction de la peste à Mayotte. Une des approches adoptées a été de déterminer s’il y a échange de populations de puces vectrices entre les deux pays et s’il y a des puces infectées par Yersinia pestis à Mayotte.

Objectifs

Les objectifs sont :

  • Identifier les espèces de puces et détecter l’infection de ces puces par pestis dans les zones portuaires de Longoni (Mayotte) et de Mahajanga (Madagascar) ;
  • Déterminer s’il y a eu un échange génétique entre populations de puces vectrices des deux îles.

Méthodes

Des missions de collecte de spécimens ont été effectuées dans les ports des deux îles. L’extraction d’ADN et la détection par PCR de l’infection à Y. pestis chez les puces ont été effectuées.

La génétique des populations est l’approche adoptée en inférant l’introduction de populations entre Madagascar et Mayotte (méthode ABC : Approximate Bayesian Computation). Sept scenarios d’introduction différents ont été testés (DIYABC v2.0. ; Cornuet et al. 2014) : scenario 1: une population ancestrale a donné la population d’Amparafaravola (AMP, Madagascar), suivie de celle de Longoni (LON, Mayotte) et ensuite celle de Marolaka (MAR, Madagascar) ; scenario 2: une population ancestrale a donné LON suivie de MAR puis AMP ; scenario 3 : une population ancestrale a donné LON suivie de AMP puis MAR ; scenario 4: une population ancestrale a donné AMP suivie de MAR puis LON ; scenario 5: les populations parentes LON et MAR ont donné AMP ; scenario 6: les populations parentes LON et AMP ont donné MAR ; scenario 7: les populations parentes MAR et AMP ont donné LON. La probabilité postérieure de chaque scenario (méthode directe et régression logistique ; Cornuet et al. 2008 ; 2010) et la probabilité d’erreur de type II (probabilité de choisir un scenario qui n’est pas le bon) ont été calculées. La direction de migration relative entre les 3 populations a été estimée (fonction divMigrate et statistique D de Jost ; Sundqvist et al. 2016 ; Keenan et al. 2013 ; Jost 2008) avec des bootstraps = 1000.

Résultats et discussion

Aucune puce de Mayotte n’a été trouvée infectée par Y. pestis.

La plus haute probabilité p (méthodes directe/régression logistique) a été obtenue pour le scenario 6 (p=0,50/0,48) suivie des scenarios 7 (p=0,19/0,06) et 5 (p=0,18/0,43). Les autres scenarios ont des valeurs de p<0,1. La probabilité d’erreur de type II associée au scenario 6 est faible (p=0,08). Le résultat de DivMigrate supporte le scenario 6 et suggère qu’une migration asymétrique s’est produite. Les populations sources Longoni et Amparafaravola auraient migré pour constituer la population de Marolaka. Des forts taux de migration relative ont été obtenues : 0,87 (LON vers MAR) et 1 (AMP vers MAR). Ces résultats suggèrent qu’il y a un échange de populations de X. cheopis entre Madagascar et Mayotte. Même si aucune puce n’a été diagnostiquée positif à Mayotte, cet échange de populations de vecteurs présente tout de même un risque d’introduction de la peste. Par conséquent, il est important d’effectuer une surveillance des populations de puces vecteurs et aussi de rats hôtes notamment dans les zones portuaires à risques.

Impact

Cette étude contribue à l’estimation du risque d’introduction de la peste dans une île non infectée qui est Mayotte.